Pendant de longs siècles, les peuples méditerranéens et européens restèrent dans l'ignorance, savamment entretenue par les marchands arabes, des sources des épices exotiques, générant légendes et prix prohibitifs.
Il fallut attendre les XVème et XVIème siècles et l'essor des marines marchandes portugaise, puis anglaise, hollandaise et dans une moindre mesure française, pour que ces mythiques végétaux perdent quelque peu de leur mystère et deviennent progressivement accessibles au commun.
Imaginez un instant pouvoir transformer ce que l'on touche en or sans risquer la mésaventure du Roi Midas, colorer vos plats en jaune et déguster le soleil, teindre les tissus, les cuirs et pigmenter les enduits.
Imaginez un instant ce que nos aïeux Pharaons auraient pu ressentir s'ils avaient connu le curcuma, cette épice qui pouvait tutoyer Râ, plus magique encore, par ses origines lointaines, que l'humble safran. Mais il ne semble apparaître dans ce secteur géographique que lors des derniers siècles avant notre ère (tablettes assyriennes vers -600).
Mais grecs, puis romains s'en emparent très vite, tant pour les qualités susnommées que pour ses vertus médicinales. Sa couleur, suivant en cela la théorie des signatures qui perdurera jusqu'au Moyen-Âge, l'avait fait placé comme hépatique, plante bonne pour le foie.
Et il est indéniable que Curcuma longa, famille des zingibéracées, cousin donc du gingembre, du galenga et de la cardamome, est encore aujourd'hui un des végétaux les plus étudiés par les chercheurs en médecine et pharmacie.
Citons en vrac : usage externe contre « l'eczéma, prurit et autres, infections oculaires ; en interne comme stomachique, stimulant et purificateur sanguin, ainsi que pour soigner les douleurs au foie, les affections hépatiques et la jaunisse, le rhume de cerveau, la bronchite et l’asthme. Depuis les années 1970, des recherches ont fait état d’une activité pharmaceutique encourageante contre le cancer, la dermatite, le SIDA, l’inflammation, l’hypercholestérolémie et les situations de dyspepsie. Le curcuma a également des propriétés insecticides, fongicides et nématicides ». Mais aussi cholérétiques ou cholagogue et neuroprotecttrices.
Le curcuma est encore peu présent dans la cuisine française, si ce n'est en poudre, malheureusement souvent frelatée, pour colorer et remplacer avantageusement le safran. On commence à en trouver assez facilement en frais, et je ne peux que vous incliner à l'acheter en bio. C'est meilleur pour la planète, pas de résidus de pesticides et surtout un parfum, un goût et une couleur – curcumine E100 parmi les colorants - beaucoup plus soutenus.
Glisser ce curcuma un peu partout dans vos ragoûts d'agneau, de veau, de cochon, les petites liaisons à la crème pour les poissons, les crustacés et les volailles, dans les sauces salades, les pâtes et les céréales, dans les gâteaux, petits ou grands et dans toutes les salades de fruits bien sûr...
Mais sans curcuma pas de cuisine indienne et surtout pas de curry, mélange d'épices appelé massale là-bas et curry ici par la grâce de l'occupant anglais ! Parmi la trentaine d'épices classiques entrant dans la composition des massale de base, le curcuma y est toujours présent ainsi que le cumin, la coriandre et le fenugrec.
A noter toutefois que, le curcuma ne coûtant pas cher, la plupart des poudres de curry industrielles disponibles en France en contiennent beaucoup et sont souvent sans intérêt.
La solution ? Achetez-vous ou ressortez du placard de mamie un moulin à café qui fait BzzBzz quand on lui appuie sur la tête et préparez vous-même vos massale avec des épices entières ; si vous utilisez du curcuma et du gingembre frais, détaillez-les en fine mirepoix* puis broyez-les au mortier et incorporez ensuite la poudre obtenue au moulin, vous verrez la vie autrement...!
N.B.: Le curcuma a un défaut, un seul; il colore énormément les doigts, les planches de travail et les torchons... Un solution, passez rapidement de la vodka ou autre alcool fort pas cher pour détacher...
L'épicier masqué (Un peu plus ? www.toildepices.com)