Courses de carrioles à Kermélo

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Pratiquement soixante ans nous séparent aujourd’hui des courses de carrioles de la cité de Kermélo. Nos carrioles, appelées ailleurs « caisses à savons », n’avaient pas de normes particulières et encore moins d’exigences sécuritaires. Mais elles avaient de nombreux points communs de construction. Et on les aimait tant, nos carrioles !

Elles étaient fabriquées par les gamins de la cité des baraques de Kermélo. Que des copains. Nous, moi, les autres. Tous. Pas d’exclusives. Quelquefois aidés par les parents, les grands frères ou les voisins, avec des matériaux des plus hétéroclites : vieilles planches de bois, roues de trottinettes ou de landaus déglingués, morceaux de fer blanc, bouts de ferraille. Bref, tout ce qui pouvait se récupérer et se transformer en pièces nécessaires à la construction d’une carriole automobile sans moteur : Notre caverne d’Ali Baba ? Les débris entassées dans les décharges à ciel ouvert proches des baraques de Kermélo.

Les plus chanceux des copains, tant mieux pour eux, arrivaient à se procurer, grâce à leurs oncles ou parrains qui travaillaient à l’arsenal de Lorient, des vieux roulements à billes. Le grand luxe de l’époque, en guise d’équipement !

Après la récupération, l’entraide aussi marchait bien. On échangeait avec les copains de la cité la pièce qui nous manquait contre un coup de main, un conseil ou même un bout de ficelle. C’était ça aussi l’esprit et la symbolique des carrioles de Kermélo !

Combien de temps durait la construction ? Un ou deux moi, peut-être ! Le temps n’était pas un problème car pour « la course », les copains exigeaient que la compétition soit courue à armes égales. Le savoir-faire était donc partagé, le secret interdit, l’astuce devant profiter à tous. On inventait, on innovait. C’était la débrouille, mais la débrouille solidaire.

À la fin du printemps, prés d’une dizaine de carrioles terminées étaient alignées prés de la baraque qui servait d’école, entre le coiffeur et une boutique en haut de la rue qui descendait vers le Ter. Une voie assez large pour nos carrioles, avec des bosses, mais « carrossable » quand même. Une descente que nous « neutralisions », comme on dit aujourd’hui. 

Avant le « plongeon » dans la descente, les deux pousseurs de chaque équipe haranguaient les spectateurs tout en prenant soin de bien diriger leur challenger ! 

Les gagnants étaient ceux qui arrivaient en bas avec une carriole en état de marche. S’il y en avait plusieurs, on désignait le premier et tous les autres. En puis on oubliait le nom des gagnants. Le plus important, c’était de préparer la carriole pour le titre, au printemps prochain. Pour participer, avec un nouveau prototype, à la course de carrioles de Kermélo. La plus belle bien sûr ! Vive les vainqueurs de Kermélo !

En mémoire de son ami Patrick Bihan, Jean Le BOHEC a recueilli des souvenirs de cette époque et de ces carrioles. Ce qui a donné un film épatant signé Jacques LOSAY. Vive ce film, aussi !

Gérard PONTHIEU