Certains chirurgiens travaillent comme des artistes. L'un d'eux, toulousain, pratique un point de suture, dit-on, aussi élégant qu'efficace et dont il possède seul le secret. On vient de loin se faire recoudre chez lui. A l'inverse, il est des artistes qui soignent. On les appelle art-thérapeutes. L'un d'eux, Dikann, habite sur la Rade et exerce notamment à l'hôpital Charcot. Il peint aussi pour lui. L'écouter suffit pour réaliser que la chimie du médicament n'est pas l'unique panacée.
"L'art-thérapie ne guerrit pas, mais elle soigne, annonce Dikann sans embages. Et dans ce domaine, la France est sans doute l'un des pays les plus en retard sur la planète. En Asie, en Afrique, en Inde, c'est l'une des thérapies de référence pour les pathologies neurologiques. Ailleurs, en Europe, elle est remboursée à 100% par les mutuelles. Même si cela commence à bouger chez nous, la France s'en remet encore trop à la camisole chimique de l'assomoir médicamenteux".
N'espérez pas non plus que Dikann vienne vous complexer avec ce vocabulaire des médecins de Molière. "Soigner, c'est ôter le mal. Quitte à en prendre un peu sur soi. Il faut savoir être comme les chats qui savent absorber les douleurs humaines. D'ailleurs, j'adore les chats. Le soir, chez moi, ils prennent un peu de mon fardeau"
Qu'il s'agisse de névroses fortes, de schyzophrénie, d'autisme ou bien d'anorexie mentale, Dikann vous dira aussi qu'"il s'agit, dans presque tous les cas, de personnes qui ont perdu leur subjectivité. Il faut leur réapprendre à jouer, à créer, à expulser leurs émotions, à exprimer des goûts. La notion de beau n'a aucune importance. Même en fin de vie, il faut leur donner envie de rester créatifs. S'ils sourient en regardant leur oeuvre, alors vous ne vous serez pas brûlé les doigts pour rien".
Soudain, Dikann s'arrête de parler. "Je suis saoûlant, non ?". Pas du tout. Et Dikann se met à parler de sa peinture à lui. "Elle est spontanée, je ne prépare rien. Pas d'esquisses, pas de croquis. Je me lâche, j'y vais". Pas question pour autant de parler d'automatismes ou de surréalisme. Dikann ne pratique pas cette langue en "ismes" et autres gazouillis de salon.
"Ce que je peins ? Je n'en sais trop rien. Des symboles, des pensées, des idées, des sensations. Jamais d'objets issus de l'homme. Parfois des êtres humains, mais sans sexe, sans genre. Ma peinture date d'avant Adam et Eve et cela durera, je crois, jusqu'à la fin de ma vie".
"Un jour, en Papouasie, j'avais travaillé sur le thème d'un poing levé. Ils ont tout de suite compris, là bas. Ici aussi. La révolte existe partout. C'est rassurant d'être compris par des gens complètement différents. Je travaille sans ces codes qui gèlent les sensations. Sans le faire exprès, par contre, je retombe presque toujours sur des couleurs chaudes. Des rouges, des oranges, des ocres".
"Ce sont mes couleurs, sans doute celles du tunnel de ma vie. Je ne les conseille jamais aux autres. Je travaille aussi avec des prisonniers ou des jeunes en grandes difficultés. J'attend seulement d'eux qu'ils utilisent de plus en plus de couleurs. Vient le moment où ils sont contents de leurs couleurs, ou ils sourient à leur oeuvre. Ils parlent avec leurs yeux". Voilà pour l'"instant magique" de l'art-thérapie, comme un bonbon en guise de médicament.
Un peu plus ? "Dikann.com" ou bien "contact@dikann.com" pour contacter l'artiste