La diaspora bretonne compte, à Paris, près d’un million et demi d’individus. Pour les Franciliens de souche ou venus d’ailleurs, ce sont des « Parisiens ». En Bretagne, la diaspora parisienne compte beaucoup moins de membres. Pour les bretons de souche, ce sont des «Parisiens ».
Nombre d’entre eux ont des papiers en règle, et la volonté de s’intégrer. Etes-vous, comme moi, dans cette situation ? Si oui, vous vous posez probablement cette question : comment devenir un vrai Breton ? Voici quelques conseils pour y parvenir, fondés sur ma propre expérience.
Il faut, toute affaire cessante, changer l’immatriculation de votre véhicule. Sa plaque vous trahit : elle n’est pas frappée du précieux Triskell ou du Gwenn ha du, ni des numéros de départements qui vont bien ! Ça évitera les réflexions injustes du genre « ça ne m’étonne pas, encore un parisien » lorsque vous commettrez des infractions ou des incivilités routières, si vénielles soient-elles. Pensez aussi à changer votre style de conduite et à ne plus vous comporter comme si vous étiez toujours dans la jungle des villes.
Si ce n’est déjà fait, prenez l’habitude d’écouter de la musique bretonne. C’est facile et peu fatiguant. On peut le faire mollement affalé sur son canapé en lisant Ouest France, le Télégramme ou Le Radier. Peu de régions s’enorgueillissent d’une telle diversité : Alan Stivell, Dan ar Braz, Gilles Servat, Tri Yann (dont le guitariste – Jean-Luc Chevalier fut membre du groupe de jazz-rock Magma de 1977 à 1983 !) et bien d’autres.
Apprenez les danses bretonnes pour participer fièrement aux festoù-noz. C’est bon enfant, profondément entraînant et sans prétention. J’ai moi-même suivi des cours collectifs, le dimanche matin. Plus de grasses matinées donc, mais deux heures épuisantes durant lesquelles un professeur enseigne les pas de l’An-dro, l’Hanter-dro, le Kas-a-barth, la gavotte et autre Laridé. Hélas, en raison d’une méthode pédagogique erratique, et malgré plusieurs semaines d’assiduité, je n’avais rien appris susceptible de me procurer l’aisance et la décontraction qui aurait fait dire aux spectateurs admiratifs : « Punaise, celui-là il est breton depuis Adam et Eve ». Exit la figuration intelligente dans les festou-noz.
Participez à un chœur de chants de marins, comme je l’ai fait moi-même en rejoignant le fameux groupe « Les Gars de la Marine ». Habillé d’une vareuse rose et d’un bonnet rouge, je faisais semblant de chanter en remuant les lèvres - en play-back donc, car j’ai une voix mal placée. J’ai été démasqué dès la première répétition. Mes collègues n’appréciaient pas cette pratique du chant, pourtant très répandue dans le show-biz. Face à cette injustice, j’ai jeté l’éponge.
Apprenez à jouer d’un instrument breton. Plein de détermination, j’ai fréquenté un conservatoire pour apprendre la bombarde. Mon professeur et moi étions équipés de casques anti-bruit, car la bombarde émet un son de 100 décibels à la sortie du pavillon (voir à ce sujet l’article du Radier N° 9 d’octobre/novembre 2014). Il faut avoir du souffle. J’en ai peu, je suis un fumeur invétéré. De plus, ce n’est pas l’instrument idéal pour interpréter des airs pour distraire sa famille après les repas dominicaux. J’ai essayé devant un parterre de gens qui m’aimaient jusqu’alors, et qui ont été fortement traumatisés par le niveau sonore de la chose, jouée dans un local clos. Certains ont depuis rompus tout contact avec moi. Je n’essaye même pas de leur téléphoner, n’étant pas sûr des performances de leurs nouvelles prothèses auditives. Ne voulant plus me fâcher avec les rares amis qu’il me reste, j’ai abandonné la pratique de cet instrument.
Réapprenez la géographie. Un jour j’ai dit à un de mes voisins (Gwendal Le Tramec, pour ceux qui connaissent) : Gwendal, je ne serai pas là demain, je pars à la capitale. Ah, tu vas à Nantes ? me dit-il. En fait j’allais à Paris.
Apprenez la langue bretonne. Comme me l’a dit le professeur lors de ma première leçon : « Buan e tesk brezhoneg » (Vite apprend breton). Plus facile à dire qu’à faire ! La syntaxe des phrases bretonnes est, pour moi, insolite. Quelques exemples : Krampouezh a zebran bemdez (Crèpe mange tous les jours = je mange des crêpes tous les jours), Penaos ‘mañ ar bed ganeoc’h (Comment le monde est avec vous = vous allez bien ?), c’hwec’h kant pevarzek ha tri-ugent (Six cent quatorze et trois vingt = 674). Bref, découragé, je n’ai pas persévéré. J’ai cependant retenu quelques bretonnismes comme « Comment c’est » (Comment ça va ?), ou, en regardant la pluie tomber « C’est parti pour rester ». Apprentissage difficile donc, quand on n’est pas natif du coin. J’ai renoncé à la suite d’un raisonnement fallacieux qui m’a conforté dans l’idée qu’il était peu rentable d’étudier une langue dans une région ou, à l’évidence, tout le monde parle français.
Veillez à votre tenue vestimentaire Quand on arrive en Bretagne, on a tendance à faire l’acquisition d’un ciré jaune, voire d’une vareuse (rose ou bleue) et d’une casquette de marin (Remarque : ces vêtements sont toutefois autorisés en tant que tenue de scène si on participe à un groupe de chants de marins). Peu de bretons s’habillent ainsi dans la vraie vie. Croyez-moi, le ciré est inutile, il pleut très peu en Bretagne, et même, il fait beau plusieurs fois par jour. Donc, venez avec votre costume de ville (mais sans veston ni cravate) et une bonne paire de sandales et des chaussettes pour être à l’aise en toutes situations. A la rigueur, les bottes sont autorisées pour la pêche à pieds.
J’espère que ces conseils vous seront utiles pour vos démarches de naturalisation. Evidemment, de gros efforts vous seront demandés. Alors, ne succombez pas à la beauté de la mer toute proche, de ses plages magnifiques, des bistrots sympathiques, des soirées entre amis. C’est dur d’être breton. Pour le devenir, il faut du talent et de la persévérance : un travail de tous les instants !