La base de Kéroman constitue la plus grande des bases de sous marins allemande construite pendant la guerre de 39/45.
Au lieu d'un seul grand abri cathédrale comme à Brest ou Saint Nazaire, l'occupant en construisit 3, plus un slip-way, 2 dombunkers et de multiples blockhaus. Les trois ouvrages principaux, K1, K2 et K3 étaient destinés à la protection des sous-marins (Unterseeboote), on les appelait également l'abri des loups gris. Les bunkers servaient à protéger les hommes et l’artillerie. L’ensemble occupe une surface d’environ 60.000 mètres carrés.
K3, le plus grand, constitué de 7 alvéoles, mesure 138 m de long pour 170 de large, tandis que K1 (5 alvéoles) et K2 ( 7 alvéoles) font chacun 120 m de long pour respectivement 85 m et 138 m de large. Tous les trois ont des toits plats tandis que les bunkers, de 86m x 16m de largeur et 25 m de hauteur ont des toits en ogive pour dévier naturellement l’impact des bombes. Les toits de K1 et K2 mesurent 3,50 m d’épaisseur sur lesquels on a rajouté de gros blocs de granit pour les protéger des bombardements le toit de K3 qui abritait des sous marins, armés, a vu son épaisseur de 3,80m augmentée de 2 m. Il est le seul à avoir un toit équipé d'une structure de type « Fangrost », chambre d'explosion surmontée d'une dalle de béton, destinée à faire exploser les bombes avant qu'elles n'atteignent la dalle de couverture, portant son épaisseur totale à un peu plus de 9m!
Le béton en lui-même était un peu spécial puisqu’il était mélangé à de la limaille de fer, comme pour la Base de Brest. En fait, c’était du « béton fibré » avant l’heure, celui que l’on utilise aujourd’hui dans certaines applications. Composé d'une structure à base de poutrelles métalliques fabriquées en Allemagne par la firme Dortmunder-Union, le béton était encore renforcé d'une cinquantaine de kilos au m3 de ferraille supplémentaire incorporée au coulage. Pour le total de béton utilisé, les chiffres sont impressionnants : 800.000 mètres cubes. Soit le quart de la production annuelle de béton en France à l'époque. Sans oublier 40.000 mètres cubes de bois de coffrage. Une véritable forêt ! Le sable utilisé, probablement prélevé sur nos côtes contient des coquillages et sont plus ou moins chargés de chlorures.
Dans les constructions modernes, on ne se sert pas des sables de mer coquillers qui provoquent la corrosion des aciers outre des efflorescences, ces poudres blanchâtres qui suintent des murs dans les constructions anciennes. Une sorte de salpêtre. Mais avec une telle épaisseur de béton, l'utilisation de ces sables ne change pas grand-chose, en fait.
Et s’il fallait refaire une telle construction aujourd’hui, pour de telles utilisations, je me demande s’il y aurait d’autres choix techniques plus modernes, pour économiser des matériaux par exemple. Il y a certes les bétons précontraints, mais ce serait sans doute trop fragile sous l'impact des bombes!
Franchement, au regard de la vocation de ce bâtiment, je ne vois pas trop ce que l’on pourrait modifier dans sa conception, l'effet de masse restant déterminant. Peut-être les formes? Pas question non plus de l’enterrer puisque que le fait de se trouver au niveau de la mer est une obligation intrinsèque. Les couleurs? ce n'est sans doute pas la préoccupation première, si ce n'est pour le camouflage?… ou pour voir la vie en rose.
Yvon Hivert