C'est une histoire surréaliste, cette fois cruellement entée dans le réel, comme en atteste André Breton, le père du surréalisme, dans son ''Amour Fou''
Entre Fort-Bloqué et Guidel-Plage, près de l'actuel spot de surf, tout près du bâtiment incongru appelé Maeva, s'élevait dans les années 30 une bâtisse isolée, d'aspect lugubre ( ou sont-ce les événements qui lui attribuèrent ce qualificatif ?) protégée par un mur et des treillis métalliques.
En 1934, Michel Henriot, 24 ans, fils du procureur de la République de Lorient, et récemment marié à une splendide épouse de 19 ans, y élevait des renards argentés.
Le renard argenté est une race dérivée du renard roux, qui faisait à l'époque l'objet d'une tentative de domestication intense pour en faire, en raison de la beauté de son poil et de son regard intense, le summum en matière d'animal de compagnie. Michel Henriot revenait d'un stage en Silésie ( Breslau) où il avait appris les rudiments de cet élevage réputé difficile.
Le 8 mai de cette même année, Michel fait appel à ses voisins. Il vient de découvrir son épouse Georgette la tête fracturée par un tisonnier et criblée de balles. L'affaire fait grand bruit de Nice à Landerneau, et porte à l'attention nationale le pittoresque des rivages sauvages du Fort-Bloqué.
Michel Henriot, quoique fils du procureur, dénoncé par son contrat récent d'une assurance-vie incluant la clause particulière'' agression et assassinat'', finit par avouer son crime. Condamné à 20 ans de travaux forcés, il évite de peu la peine de mort. Il meurt à la Centrale de Fontevrault ( Maine-et -Loire) en 1945.
Crime crapuleux, ou d'amoureux dépité ?
Le récit trop bref de ce drame qui passe allègrement sur les quatre jours d'un procès houleux aux assises de Vannes, évoque cependant avec force les dunes sauvages des rivages de Guidel où la route côtière n'existait pas encore, la belle victime dans son dix-neuvième printemps, et le sort ultérieur des renards argentés au regard intense qui sans doute s'enfuirent et périrent dans l'environnement marécageux.
La littérature donne une dimension pérenne à cet événement que la mémoire eût vite fait d'oublier. Le 20 juillet 1936, l'auguste inventeur du surréalisme se promenait sur la grève de Guidel accompagné de sa nouvelle compagne Jacqueline Lamba. Il raconte dans son ''Amour Fou'' l'angoisse qui les saisit tous deux à l'approche de la maison Henriot, qu'ils ignoraient être le site du drame récent. André Breton, apprenant par la suite l'histoire du crime, bâtit, à propos de l'angoisse, et, dit-il, de l'hostilité née soudain entre les deux amoureux au voisinage de la maison, une théorie du halo maléfique - il parle aussi d'émanations délétères - exhalé par certains lieux et qu'il convient de fuir.
Il se pose la question de savoir si ce halo préexiste aux drames qu'il engendre, ou si la malédiction investit le lieu après le crime ? *
Reste à chacun de se faire une opinion, et, lorsqu'il emprunte la longue grève entre le Fort et le Bas-Pouldu, de savoir s'il lui faut se prémunir contre les maléfices flottant dans l'air.
Charles Madézo
* Confortant l'hypothèse du pape surréaliste, un avion de chasse Étendard s'est écrasé, dans son approche d'atterrissage de la piste 08 de Lann Bihoué, précisément au pied de la dune où s'élevait la